TEMOIGNAGE D’UNE MISSION MÉDICALE
Mission du 23 janvier au 07 février 2023
Consultations de médecine générale au dispensaire de Dolisie
Dr Hugues Bertrand

Lundi 23 janvier. Suite à un vol de 8 heures environ au départ de Roissy, me voici à l’aéroport de Brazzaville.
Accueil très chaleureux de Lazare, le correspondant local de l’ASLAV et d’Amélie, chargée de mission. Une courte nuit et me voilà parti en 4×4 avec mes deux comparses, en direction de Dolisie.
Au cours du voyage qui durera cinq heures, tout est dépaysement.
Par exemple nous roulons sur une route à péage à deux fois deux voies mais nous y rencontrons sur la voie de droite un camion sur cric, un homme poussant une brouette, un autre en vélomoteur, des enfants cartable au dos en route pour l’école, ou encore des femmes soutenant des bassines ou des sacs de toile sur leur tête ou portant en écharpe des bébés sur leur dos.
À Dolisie, ville de 90 000 habitants, je suis accueilli par le Père Jean Baptiste, prêtre médecin responsable de l’antenne de soins Caritas.
L’agglomération ressemble à un gros village des années 50. Peu de routes goudronnées, des constructions pour certaines en dur, pour d’autres en bois avec des toits en tôle ou à base de végétation et l’on peut même voir des commerces constitués de containers découpés au niveau des ouvrants.
Les magasins s’appellent « boulangerie de Jésus seul » « la boutique de l’élégance » ou « la voix de Dieu » pour la bibliothèque.
Les baignoires posées sur le trottoir devant certaines échoppes, annoncent la présence d’un garage automobile. Elles servent à réparer les chambres à air crevées.
Je commence les consultations à 8h15 le lendemain de mon arrivée à Dolisie.
La salle d’attente située en plein air (mais à l’abri de la pluie tel un préau d’école) contient une dizaine de personnes, d’autres sont progressivement attendues au cours de la matinée.
D’emblée je suis frappé par le stade des maladies nettement plus évolués qu’en France.
Par exemple j’ai vu des patients atteints de cécité quasi complète faute d’avoir eu les moyens d’acheter leurs anti-diabétiques. Ou par cataracte, ou par glaucome pour les mêmes raisons de précarité financière. Il n’y a pas de sécurité sociale au Congo et 52 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.

J’ai vu des anémies dont une par insuffisance rénale chez une enfant de 11 ans, qui avait absorbé des herbes recommandées par le marabout, ou encore des cancers avancés tel ce patient de 48 ans, qui est venu pour un amaigrissement de 14 kg et dont l’examen révélait un gros foie palpé jusque dans la fosse iliaque droite (au-dessus de l’aine).
Les patients sont d’une gentillesse extrême, souriants, reconnaissants ne montrant jamais de signes d’impatience. Les enfants toujours accompagnés de leur mère sont faciles à examiner car obéissants, non turbulents, et confiants.
Il y a peu de souffrance psychique. Je n’ai pas eu à soigner de dépression, juste quelques troubles anxieux.
Un peu de gynéco courante, mais pas de demande de contraception. Mes confrères m’expliquent que seule une petite catégorie de la population plus socialement favorisée notamment à Brazzaville ou à Pointe Noire, y a recours.
Les prénoms de mes patients sont savoureux : « Persévérant », « Presqu’une surprise » (un enfant), « Donald »…
Je voudrais dire quelques mots du Père Jean Baptiste ainsi que la place de la religion au Congo.
C’est un homme à la foi communicante, d’une grande bonté, d’un charisme et d’un dynamisme extraordinaires.
Les célébrations religieuses au Congo sont à tomber par terre. Joyeuses, hautes en couleur, animées, ferventes, je dirai même extraverties, rythmées par les danses et les chants dont le volume en décibels est à vriller les tympans. Tam-tams, guitares, synthé, c’est à celui des musiciens qui s’affirmera le plus fort.
La Cathédrale (Dolisie est un diocèse) est pleine à craquer chaque dimanche. Il arrive que les fidèles n’y entrent pas tous et assistent donc dehors, à la messe.
En conclusion, je dirais qu’il m’a été donné pour cette première mission au Congo- Brazzaville, de découvrir un pays attachant et de travailler au sein d’une équipe chaleureuse, humble, simple, digne et bienveillante, grâce à laquelle j’ai vécu une expérience enrichissante tant sur le plan humain et spirituel que professionnel. Cela m’a beaucoup apporté sur le plan personnel.

Hugues Bertrand. Varades (44) le 04.09.2023